Philippe
   
 

La mémoire est une tradition incarnée, répétitive, psychologiquement en marche, subjective ; la mémoire est une reconstruction permanente, fallacieuse, faillible, émotionnelle, psychologique, qui change avec le temps. Elle n'est pas un savoir accumulé mais une expérience individuelle, parfois collective.

Philippe est le film d'une parole qui se construit devant nous et avec nous. J'avais une demande : «Raconte-moi ta vie.» Mon oncle s'est lancé, élaborant au présent le récit incomplet de sa vie de manager de la deuxième moitié du XXe siècle. Nous n'avions que deux heures. J'ai choisi d'en conserver l'intégralité dans un film brut, sans coupes ni sutures. Un récit de l'intérieur partageable par tous.

Depuis octobre 2014, trois entretiens ont été mené sur ce même principe des deux heures, pour trois épisodes autonomes et complémentaires. Initiés avec Vendredi films, ces tournages ont reçu le soutien de Too many cowboys, Le polygone étoile / Film flamme et Lignes d'erre.

---------------------------------------

Extrait du compte rendu du séminaire Cinéma / Parole du 11 décembre 2016, Collège des bernardins, Paris
(…) C'est finalement parce que les ressorts dramatiques du récit sont extrêmement banals que la parole, qui relève du monologue, peut se déplier sans fin. Ce qu'il peut y avoir de littéraire dans le discours tient peut-être à cet endroit, dans cette nécessité de dire sans interruption une narration dont le contenu est très maitrisé, mais dont la forme se découvre à travers son propre chantier. Le fait que quelques références littéraires essaiment le récit — il est notamment question de Faulkner et de Pasolini — est à cet égard particulièrement décisif. Philippe apparait alors sous un jour nouveau : il y va à travers ce film d'un art de raconter qui n'est finalement pas étranger aux grands tableaux balzaciens, le film relève de la chronique d'une époque et tient pourtant tout entier dans le presque rien d'un face à face entre deux individualités qui n'ont au premier abord rien de remarquable, sinon qu'elles se tiennent l'une  vis-à-vis de l'autre, dans l'espace contraint fixé par le cadre d'une caméra.
[Lire l'intégralité]

 

<--